Prions en Église – hors-série « Noël 2021 », Décembre 2021 – Ghislain, Isabelle et Julie du Chéné « Jésus nous fait marcher avec les plus faibles »

© Karine Péron Le Ouay / Hans Lucas

© Karine Péron Le Ouay / Hans Lucas

[RENCONTRE] : Ghislain et Isabelle du Chéné, retraités de 70 ans, ont cinq enfants dont Julie, 33 ans, porteuse de trisomie 21. Engagés dans le mouvement international Foi et Lumière, ils témoignent de la façon dont leur fille a changé leur vie et les a fait grandir dans la foi.

Propos recueillis par Romain Mazenod, PRIONS EN ÉGLISE – HORS-SÉRIE « NOËL 2021 »

Ghislain, vous avez assumé des fonctions importantes à Foi et Lumière. En quoi consistaient-elles ?

Ghislain du Chéné (GC) : J’ai d’abord été responsable de notre communauté, d’une trentaine de personnes où se retrouvent personnes handicapées, parents, frères et soeurs et amis. Puis, j’ai été coordinateur pour les Yvelines, ensuite pour l’Afrique et enfin pour l’international pendant dix ans. Cette dernière mission consistait à animer, soutenir et organiser le mouvement autour de la structure, dans le respect de notre charte. J’ai été amené à voyager un peu partout. Il existe quelque 1 350 communautés de par le monde dans ce mouvement œcuménique né à Lourdes à Pâques 1971.

Ghislain, Isabelle et Julie du Chéné à leur domicile de Ville d’Avray (92), en mai 2021.
©Karine Péron Le Ouay / Hans Lucas

À quoi ressemble une réunion de Foi et Lumière ?

GC : La communauté se retrouve une fois par mois. Nous participons d’abord à la messe, puis nous déjeunons en fêtant les anniversaires, s’il y en a. L’après-midi se passe entre temps de partage, jeux et un moment de prière à la fin. Je suis toujours frappé par le recueillement des personnes handicapées, même celles qui sont un peu remuantes pendant les autres temps. Comme s’ils sentaient que quelque chose d’important était en train de se passer. Foi et Lumière est vraiment un don de Dieu. J’ai le sentiment que Jésus, à travers ce mouvement, nous demande d’insister en particulier sur nos blessures, nos fragilités. J’aime cette prière que nous récitons dans la communauté : « Seigneur, apprends-nous à découvrir ton visage et ta présence en tous nos frères et sœurs, spécialement les plus faibles ; apprends-nous à accueillir nos blessures, notre faiblesse pour qu’en elle se déploie ta puissance. » Or, dans notre société, nous sommes en permanence enjoints à les dissimuler, à les évacuer. Au contraire, Foi et Lumière vient nous rappeler l’amour de Jésus pour les plus petits, les plus faibles, les plus fragiles. Nous tous, donc.

Comment avez-vous accueilli Julie, handicapée, dans votre famille ? Cela a-t-il été difficile ?

Isabelle du Chéné (IC) : Il a fallu d’abord « digérer » le fait d’avoir un enfant différent. J’ai mis du temps à m’en remettre. Au début, je me réveillais triste tous les matins. L’acceptation n’est venue que progressivement. Il nous a fallu du temps pour nous tourner vers Foi et Lumière. Peu à peu, je me suis rendu compte que c’est un bon endroit pour devenir fier de son enfant. Avec du recul, je m’aperçois que cette différence est une richesse, presque une chance.

GC : Il m’arrive de dire : « Avoir un enfant handicapé, c’est un bonheur que je ne souhaite à personne. » À la naissance de Julie, le médecin nous a dit bonsoir et il s’est penché sur son berceau en lui disant : « Bonsoir Julie. Je pense que tu seras très heureuse dans ta vie parce que tu as l’air d’avoir des parents formidables. » Le père et la mère réagissent souvent différemment au handicap. Les mères se sentent responsables de ce qui peut être interprété comme un « échec ». Les pères, eux, sont nombreux à fuir car l’acceptation de la fragilité est à l’opposé des injonctions faites aux hommes d’être forts, performants.

Julie est-elle croyante ?

IC : Et comment ! Sa foi est très concrète. Ensemble, nous avons beaucoup prié pour la fin de la pandémie.

GC : Elle est capable de fulgurances. Un jour, à Foi et Lumière, elle a pris la parole pour dire : « Quand Dieu m’a envoyé dans ma famille, j’étais comme un cadeau pour elle ! » Je me souviens aussi d’une échographie cardiaque, juste après sa première communion. Elle a demandé au médecin : « Tu vois mon cœur sur la télévision ? » Et, allongée, elle se tortillait sur la table en disant : « Je veux voir Jésus dans mon cœur ! »

©Karine Péron Le Ouay / Hans Lucas

Quelles qualités la présence de Julie a-t-elle révélées chez vous ?

IC : Une certaine patience et un débordement d’amour pour ma fille. Nous sommes très liées.
GC : Elle m’a aidé à grandir dans la foi car j’ai un « Évangile vivant » à la maison ! Cela a aussi révélé un défaut : comme je suis très protecteur à son égard, quand quelqu’un n’apprécie pas Julie, je suis capable de me mettre en colère. Je me souviens de la parole d’Évangile lue à son baptême : « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car, je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux » (Mt 18, 10). Pour moi, le chemin que nous propose Jésus consiste à marcher dans ses pas avec les plus faibles, les pauvres, les aveugles. Que des bergers payés pour garder les troupeaux la nuit viennent se recueillir devant Jésus nouveau-né, c’est extraordinaire. Que des mages venus d’Orient viennent d’aussi loin pour se prosterner devant Jésus, c’est prodigieux ! C’est en se faisant proches des tout-petits que l’on grandit.

Quels conseils donneriez-vous à un couple qui apprend que son enfant est handicapé ?

GC : Surtout, ne restez pas seuls !
IC : Et puis, laisser le temps faire son œuvre pour accepter cette nouvelle. À chaque jour suffit sa peine (cf. Mt 6, 34), il faut vivre chaque jour au présent.
Julie du Chéné : Moi aussi, je vis le moment présent. Le futur, ça m’inquiète un peu, ça me fait un peu peur de penser que mes parents, un jour, ne seront plus là. Mais je n’y pense pas tout le temps.

ACTU 2021-2022

Les 50 ans de Foi et Lumière ont pour thème « Un trésor à partager ». Le pèlerinage à Lourdes pour ce jubilé aura lieu en 2022. www.foietlumiere.fr